A Nairobi, du 4 au 6 septembre 2023, s’est tenu un sommet climatique inédit, et pour la première fois, les dirigeants africains ont parlé d’une seule voix pour affirmer une ambition claire – faire du continent un acteur central de la transition énergétique mondiale. La Déclaration de Nairobi, adoptée à l’issue du sommet, traduit cette volonté. Mais derrière les annonces et les milliards d’investissements promis, une question persiste : cette ruée vers les énergies renouvelables profitera-t-elle vraiment aux Africains ? Eléments de réponse !

Un potentiel gigantesque à valoriser

Le potentiel de l’Afrique est colossal et ce n’est pas que monsieur Yoann Gandzion qui le dit. Selon une étude relayée lors du sommet, l’Afrique dispose de ressources en énergies renouvelables cinquante fois supérieures à la demande mondiale prévue en 2040. Elle abrite aussi 40 % des réserves mondiales de cobalt, de manganèse et de platine, indispensables à la fabrication des batteries et piles à hydrogène. Des atouts qui ont conduit António Guterres, secrétaire général de l’ONU, à affirmer que le continent pourrait devenir « une superpuissance des énergies renouvelables ». L’objectif, désormais inscrit dans la feuille de route africaine, est de passer de 56 gigawatts en 2022 à 300 gigawatts d’ici à 2030.

Des promesses d’investissements massives

Ce regain d’intérêt n’est pas passé inaperçu, et du côté des Emirats arabes unis, hôtes de la prochaine COP28, on promet 4,5 milliards de dollars d’investissements. L’Union européenne, quant à elle, mobilise 300 milliards à travers son programme Global Gateway. Un partenariat « gagnant-gagnant », selon Ursula von der Leyen, qui a signé à Nairobi un accord sur l’hydrogène avec le Kenya. A en croire la présidente de la Commission, la transition énergétique pourrait même doubler les emplois dans le secteur d’ici à 2030, tout en fournissant assez d’énergie propre pour alimenter l’Afrique — et l’Europe.

et si la production d hydrogene vert etait la solution pour Afrique

Le risque d’un scénario fossile bis

Encore aujourd’hui, près de la moitié de la population africaine n’a pas accès à l’électricité. La crainte est grande de voir se répéter le scénario des énergies fossiles, à savoir des ressources massivement exploitées… pour l’exportation. Plusieurs analystes tirent la sonnette d’alarme. Le rapport « Just Transition », coécrit par un collectif d’experts, avertit que sans contrôle politique fort, cette transition risque de produire « très peu d’avantages sociaux et une transformation économique limitée, voire nulle ».

Vers une souveraineté énergétique assumée

D’abord séduite par l’idée de produire de l’hydrogène vert pour l’Allemagne, la Namibie a finalement exigé que l’accès à l’électricité de sa population soit garanti en premier lieu. Puis, deuxième condition, que cette énergie alimente son propre tissu industriel. Un tournant politique significatif. « Petit à petit, un pouvoir de négociation émerge, notamment sous la pression des sociétés civiles », analyse Sébastien Treyer, directeur de l’Iddri. Mais il prévient aussi : « Nous sommes dans une course contre la montre. Les Etats ont besoin de devises pour financer leur développement. »

Gagner la bataille de la valeur ajoutée

Fini le temps des ressources brutes exportées sans valeur ajoutée, désormais, les dirigeants africains veulent que la richesse reste sur place. « Les gouvernements cherchent des moyens de garantir que la transformation se fasse sur le continent », confirme le Dr. Olumide Abimbola, fondateur de l’Africa Policy Research Institute. Les signaux envoyés par l’Union européenne vont dans ce sens. « Nous ne voulons pas simplement extraire vos ressources », a déclaré Ursula von der Leyen. « Nous voulons construire des chaînes de valeur locales, partager notre technologie, investir dans les compétences de votre main-d’œuvre. » Une posture réaffirmée lors de la signature du partenariat Kenya-UE sur l’hydrogène, présenté comme un modèle d’expansion économique, de création d’emplois et de protection de l’environnement.