Particulièrement riche en bois, l’Europe voit dans cette ressource renouvelable une réponse majeure à ses ambitions écologiques, et la France ne fait pas exception. Emboîtant le pas à ses voisins européens, l’Hexagone a récemment introduit un projet de loi visant à dynamiser et restructurer sa filière forestière, baptisé « loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ». Mais bien que porteuse d’espoir, cette initiative met aussi en lumière les défis et les paradoxes de l’industrie forestière française. Décryptage !
Ressources abondantes VS Industrie atone : le paradoxe forestier de la France
La France a connu une belle croissance de sa forêt au cours du siècle dernier, la faisant grimper au quatrième rang des plus grandes surfaces forestières d’Europe. Et le bois reste une énergie très utilisée comme le soulignent certains vendeurs de poêles ou de granulés tels que Topchaleur (qui proposent de nombreuses vidéos sur leur chaîne YouTube). Mais en dépit d’une augmentation de 20 % entre 1975 et 2007, et une extension annuelle actuelle de 40 000 ha, la vigueur de l’industrie du bois demeure pour le moins… anémique ! En effet, depuis les années 1990, malgré un marché favorable, la production et la consommation des produits du bois stagnent, une situation exacerbée par la crise de 2008. Les scieries françaises subissent le plus grand coup avec une production annuelle ayant chuté à ses niveaux de 1975, à l’heure où les pays nordiques et l’Amérique ont doublé leur production.
Des rapports commandés par divers gouvernements depuis trois décennies ont d’ailleurs souligné cette léthargie, mais la France n’a pas encore réussi à revitaliser son industrie du bois. Un fait d’autant plus surprenant compte tenu de la demande mondiale croissante de bois, propulsée par les économies émergentes, une croissance démographique soutenue et la popularisation de certains usages du bois, au premier rang desquels la biomasse.
Le dilemme de la fragmentation forestière
Autre problème de l’industrie forestière en France : le morcellement ! En effet, malgré les politiques encourageant la concentration, la surface forestière française reste fragmentée, composée principalement d’innombrables petites parcelles. Avec 3,3 millions de propriétaires privés détenant 72 % de la forêt hexagonale, la concentration est faible, d’autant plus que 40 % de ces terres couvrent moins de 10 hectares. Il est utile ici de signaler que cette situation persiste en dépit des politiques foncières instaurées depuis les années 1960 qui, bien qu’ayant réussi à regrouper les parcelles agricoles, ont laissé les forêts morcelées.
Or, ce morcellement est un obstacle dans une industrie où la taille des exploitations influence considérablement les coûts. Car il faut savoir que des forêts plus vastes permettraient une meilleure rentabilisation des équipements et infrastructures nécessaires. De plus, l’exploitation forestière nécessite une vision à long terme, des décennies pouvant s’écouler avant qu’un arbre puisse être utilisé. En revanche, une grande superficie facilite la rotation des exploitations entre différentes parcelles.
La filière bois a une balance commerciale déficitaire
Alors que la France dispose de l’un des plus grands massifs forestiers d’Europe, son secteur du bois présente un déficit commercial de 6,083 milliards d’euros en 2012. A l’inverse, des pays forestièrement riches comme les Etats-Unis, la Suède et le Canada ont enregistré un excédent cette même année. La situation devient encore plus paradoxale lorsqu’on examine les produits : si la France excelle dans l’exportation de produits bruts ou légèrement transformés, elle peine à se positionner sur les segments à haute valeur ajoutée.
Par ailleurs, cette balance commerciale négative révèle un schéma où la France exporte ses matières premières, comme les conifères et les feuillus, mais importe des produits transformés de haute valeur, tels que les panneaux, les meubles ou les cartons. Le constat est clair : la compétitivité de la France dans la transformation du bois est à la traîne. Pourquoi ? Parce qu’il est souvent moins coûteux d’importer un produit fini de l’étranger que de le fabriquer sur le sol français.