Depuis les années 1960, la France voit sa production de déchets grimper en flèche, portée par un essor économique et des mutations dans les habitudes de consommation et de production. Chaque Français génère désormais en moyenne 582 kilogrammes de déchets par an, un chiffre en hausse constante depuis 2015. Ce volume toujours plus important de déchets soulève des défis de taille, tant en termes de méthodes de traitement de déchets, que de coûts pour les collectivités ou encore d’impact sur l’environnement et la santé publique. Face à ce constat alarmant, la question se pose avec acuité : comment la France gère-t-elle cette avalanche de déchets ? La réponse avec Jean Fixot de Chimirec !
L’escalade des déchets en France : entre réglementation et réalité
La gestion des déchets en France, c’est avant tout une histoire de chiffres qui grimpent et d’obligations réglementaires à respecter. Tous les deux ans, l’Europe demande des comptes à ses Etats membres, y compris la France, sur la quantité et le traitement de leurs déchets, selon une méthodologie rigoureusement définie. Et les dernières nouvelles ne sont pas des plus réjouissantes… En 2018, la France a produit la bagatelle de 343 millions de tonnes de déchets, soit une hausse de 6,4 % par rapport à 2016.
Côté déchets ménagers et assimilés, les chiffres de 2019 montrent que 38,9 millions de tonnes ont été ramassées par les services publics, révèle une enquête de l’Agence de la transition écologique. Alors oui, peut-être que chaque Français jette un peu moins qu’avant, mais voilà, la population augmente, et le volume global des ordures ménagères suit la même tendance avec une augmentation de 2,5 % entre 2007 et 2017. Chaque habitant produit encore 582 kg de déchets par an. C’est énorme, surtout quand on sait que 80 % des déchets non triés pourraient être valorisés s’ils étaient correctement triés et dirigés vers les bonnes filières, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes. Au final, les ménages ne représentent que 9 % du total des déchets produits en France, loin derrière les 21 % des entreprises et surtout les 70 % de la construction.
A qui incombe la gestion des déchets ?
En matière de gestion des déchets, la France joue une partition complexe, sous la houlette de l’Etat qui définit les règles du jeu. Du ramassage à la valorisation, en passant par le tri et le prétraitement, chaque type de déchet trouve sa place dans un système bien huilé, mais ô combien complexe… Premièrement, les déchets ménagers, ceux que nous produisons tous au quotidien, sont sous la coupe des collectivités territoriales. Elles s’occupent de toute la logistique via le service public de gestion des déchets, un système qui assure que rien ne reste sur le trottoir plus longtemps que nécessaire.
Ensuite, il y a les déchets d’activités économiques, les rebuts de tous les secteurs d’activité, de l’agriculture à l’industrie en passant par le tertiaire. Ici, la responsabilité incombe aux producteurs de ces déchets. Ils doivent gérer eux-mêmes leur élimination ou faire appel à des services privés pour s’en charger. Toutefois, il y a une exception pour certains déchets « assimilés » des activités économiques qui peuvent être collectés par le service public, comme s’il s’agissait de déchets ménagers. Cela concerne notamment les déchets non dangereux des petites entreprises et du secteur public.
Dans cette « valse » des ordures, environ 80 % des déchets pris en charge par les collectivités proviennent des ménages, et les 20 % restants sont attribués aux entreprises et aux organismes publics, ce qui montre l’étendue et la complexité de la gestion des déchets en France.
Quid des modes de traitement des déchets ?
D’emblée, il faut savoir que si les industries et le commerce réussissent à orienter une grande partie de leurs déchets vers des filières de valorisation, principalement le recyclage, les défis du traitement restent énormes, surtout pour les déchets ménagers. Ces derniers, un véritable mélange de matières – métal, verre, plastique, organiques et même dangereuses comme les piles ou certains produits chimiques – nécessitent des processus de collecte et de traitement particulièrement sophistiqués. Actuellement, seulement 47 % de ces déchets ménagers prennent la route de la valorisation, transformés en nouveaux matériaux ou en énergie sous forme de compost, biogaz, ou même de carburant.
Cela dit, le traitement des déchets ne s’arrête pas là : pour ceux qu’on ne peut ni recycler ni valoriser, les « déchets ultimes », les options sont moins écologiques. Ils terminent soit en décharge, où malgré les mesures de sécurité, ils représentent un risque de pollution pour les sols et l’eau souterraine et contribuent à l’émission de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Soit, ils finissent dans l’incinérateur où, malgré la réduction de leur volume et la production d’énergie, les résidus de combustion et les émissions polluantes posent encore problème.