Et si on vous disait que le bruit est une potentielle source d’énergie ? Difficile à croire, on vous l’accorde. Mais il faut savoir qu’au-delà de l’éolien et du photovoltaïque, il existe bel et bien des moyens inédits, le plus souvent méconnus, pour produire de l’énergie. De la gravité au volant d’inertie, en passant par la pompe à chaleur acoustique et le nanotube carbone, Jean-Jacques Topalian nous emmène à la découverte de ces sources d’énergie insoupçonnées !
Technologie « par gravité » : le futur du stockage énergétique
Dans un monde en quête perpétuelle d’innovation énergétique, deux technologies émergent, promettant de révolutionner la manière dont nous stockons l’électricité. D’une part, une équipe de chercheurs internationaux a mis au point une méthode ingénieuse pour transformer les mines abandonnées en gigantesques batteries énergétiques… grâce à la gravité ! De l’autre, une startup américaine, Energy Vault, a développé un système de stockage gravitaire utilisant des blocs de béton de 30 tonnes pour remplacer les batteries conventionnelles. D’ores et déjà, Energy Vault enchaîne les gros contrats. Le dernier en date ? La Chine, qui vient de commander 2 GWh de capacité à la startup américaine !
Jean-Jacques Topalian nous explique le concept, simple mais redoutablement efficace, qui sous-tend le stockage souterrain par gravité, baptisé « Underground Gravity Storage » (UGES). Concrètement, il s’agit d’utiliser l’énergie cinétique pour produire de l’électricité. Comment ? En exploitant les puits de mines abandonnés, qui se comptent en millions dans le monde, du sable descend ensuite le long des puits via des ascenseurs. Ces derniers sont équipés d’un système de freinage régénératif qui transforme l’énergie cinétique perdue en électricité, qui est ensuite utilisée lors des pics de demande sur le réseau. Maintenant, vous êtes en droit de vous poser des questions sur l’intérêt de remplacer les batteries traditionnelles par l’UGES… La réponse tient en peu de mots : l’avantage majeur de cette méthode est sa capacité à stocker de l’énergie sur de longues périodes, sans perte due à l’autodécharge.
Parallèlement, Energy Vault propose une approche différente mais, selon Jean-Jacques Topalian, tout aussi innovante. Inspiré par le principe de la Station de transfert par pompage-turbinage (STEP), leur système utilise des blocs de béton, hissés pour stocker de l’électricité sous forme d’énergie potentielle. Pour libérer cette énergie, les blocs sont simplement laissés tomber, entraînant des câbles qui génèrent du courant. Le prototype, opérationnel depuis 2020 en Suisse, ressemble désormais au célèbre jeu de Tetris dans sa version améliorée, les blocs de béton se déplaçant à la fois verticalement et horizontalement.
Certes, ces deux technologies adoptent des approches différentes, mais elles ont un objectif commun : fournir des solutions de stockage d’énergie alliant durabilité et efficacité, dans un monde de plus en plus dépendant des énergies renouvelables. Alors que l’UGES mise sur la réutilisation des sites miniers abandonnés, Energy Vault fait le choix de la simplicité de la gravité et des blocs de béton. Pour Jean-Jacques Topalian, seul l’avenir nous dira laquelle de ces technologies, ou peut-être une combinaison des deux, dominera le paysage énergétique de demain.
Le volant d’inertie pour stocker de l’énergie ?
Conserver l’énergie cinétique grâce à la rotation d’un objet lourd, généralement entraîné par un moteur électrique : c’est là le principe du stockage d’énergie par volant d’inertie. On pourrait croire que ce mécanisme est un concept moderne… On vous le dit tout de suite : il n’en est rien. En fait, le stockage d’énergie par volant d’inertie est l’un des principes les plus anciens et, de l’avis de Jean-Jacques Topalian, l’un des plus fascinants.
Car il faut savoir que le concept remonte à l’Antiquité, à une époque où les tours de potier utilisaient un disque en bois pour réguler et faciliter le mouvement, propulsé par le pied de l’artisan. Au XIXe siècle, de nombreuses machines à vapeur étaient équipées de dispositifs similaires. Puis, dans les années 1920, des tramways en Belgique et en Suisse utilisaient des disques de fonte lourds pour se déplacer entre les stations sans avoir besoin de courant électrique constant.
Aujourd’hui, les volants d’inertie modernes ont naturellement subi d’importantes évolutions. Fabriqués à partir de matériaux avancés comme les fibres de carbone ou de verre et le kevlar, ils peuvent atteindre des vitesses de rotation vertigineuses, dépassant 10 000 tours par minute, ce qui leur permet de restituer jusqu’à 80 % de l’énergie absorbée. Seul bémol : malgré leur efficacité, leur temps de stockage n’est que d’environ 15 minutes, les confinant à des utilisations rapides et ponctuelles. C’est notamment le cas du métro de Rennes, qui utilise un volant d’inertie de 2,5 tonnes, transformant l’énergie de freinage en électricité lorsqu’une rame ralentit, et augmentant la vitesse de rotation du volant. Dès lors qu’une rame redémarre, l’énergie est récupérée, entraînant des économies équivalentes à 10 jours de consommation électrique annuelle pour le métro de Rennes.
Par ailleurs, le stockage d’énergie par volant d’inertie trouve d’autres applications très actuelles, comme la régulation des réseaux électriques. La ville de New York, par exemple, dispose d’une centrale de 20 MW équipée de 200 volants d’inertie, capable de restituer de l’énergie en quelques secondes pour maintenir la stabilité du réseau. Et avec les défis croissants liés à l’intermittence des énergies renouvelables, le stockage par volant d’inertie pourrait jouer un rôle encore plus important à l’avenir. Aujourd’hui, Jean-Jacques Topalian (voir son profil ici) cite des projets visant à coupler les panneaux photovoltaïques avec des volants d’inertie, bien que des défis techniques et financiers restent à surmonter.
La révolution thermo-acoustique d’Equium et sa pompe à chaleur du futur
Enjeu majeur du XXIe siècle, l’innovation énergétique accueille un nouvel entrant, en la personne de la jeune entreprise nantaise Equium, en passe de marquer une étape décisive dans ce domaine. Comment ? En mettant au point une pompe à chaleur qui fonctionne grâce à l’énergie du son, une technologie issue des laboratoires de recherche du CNRS, qui promet de chauffer et rafraîchir les logements de manière sobre, écologique et sans utiliser de gaz réfrigérants fluorés, reconnus pour leur nocivité environnementale.
Une technologie de rupture
Les pompes à chaleur traditionnelles, bien qu’efficaces, utilisent des systèmes de compression d’air et des fluides réfrigérants. Ces gaz fluorés, appelés HFC, sont de puissants gaz à effet de serre. Face à cette problématique, la réglementation européenne F-Gaz envisage de limiter leur usage d’ici 2025 et 2030. C’est dans ce contexte qu’Equium, sous la houlette de son fondateur Cédric François, propose une alternative révolutionnaire.
La pompe à chaleur thermo-acoustique d’Equium repose sur un phénomène naturel : l’autogénération d’ondes acoustiques par des gradients de température. En d’autres termes, elle utilise le son pour produire de la chaleur et du froid. Cette technologie, étudiée depuis des années au CNRS, a été transmise à Cédric François par son père, professeur émérite à l’Université Paris 6.
Pour Jean Jacques Topalian : un fonctionnement ingénieux et des avantages prometteurs
Jean-Jacques Topalian trouve le principe aussi simple qu’ingénieux : un haut-parleur génère des ondes acoustiques qui sont concentrées dans des tubes remplis d’hélium, un gaz neutre et non toxique. Ces ondes sont ensuite mises en résonance et passent entre deux échangeurs de chaleur. L’un pompe les calories de l’extérieur, tandis que l’autre les transfère à l’intérieur du logement. Avec une puissance sonore de 200db, cette pompe à chaleur est capable de transférer des kilowatts de chaleur. De plus, elle offre la possibilité de régler la température en ajustant le son, contrairement aux pompes à chaleur traditionnelles qui fonctionnent en mode marche/arrêt.
Outre son efficacité, cette technologie brille par son silence, car tout se déroule à l’intérieur de la machine. Elle permet également de chauffer l’eau à des températures allant de 35 à 70 degrés. Ce n’est pas tout : fabriquée en inox et en aluminium recyclés, elle promet une réduction de 50 % des émissions de carbone par rapport aux modèles conventionnels.
Un regard tourné vers l’avenir, un made in France soutenu par l’Ademe et la BPI
Soutenue par des institutions telles que l’Ademe et la BPI, Equium a déjà levé 5 millions d’euros auprès de fonds d’investissement régionaux. La phase d’industrialisation est en cours, et les premières pompes à chaleur thermo-acoustiques ont d’ores et déjà été commercialisées début 2023. Notons que l’entreprise a déposé de nombreux brevets, qui sont d’une importance cruciale pour un inventeur comme le rappelle monsieur Jean-Jacques Topalian.
Ondes thermoélectriques, la révolution énergétique des nanotubes de carbone
En 2010, une équipe de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) a récemment mis en lumière un phénomène inconnu jusqu’alors : la capacité des nanotubes de carbone à générer de puissantes ondes d’énergie, appelées ondes thermoélectriques, une découverte qui pourrait ouvrir la voie à de nouvelles méthodes de production d’électricité…
Jean-Jacques Topalian nous explique qu’une onde thermique – une impulsion de chaleur en mouvement – se déplaçant le long d’un fil microscopique peut pousser les électrons à avancer, créant ainsi un courant électrique, c’est du moins la théorie avancée par les chercheurs du MIT. L’ingrédient clé à ce niveau est les nanotubes de carbone, des tubes creux submicroscopiques composés d’un treillis d’atomes de carbone semblable à un grillage. Il est utile ici de signaler que ces tubes, d’un diamètre de quelques milliardièmes de mètre (nanomètres), font partie d’une famille de nouvelles molécules de carbone, dont les buckyballs et les feuilles de graphène, qui ont fait l’objet de recherches intensives à l’échelle mondiale au cours des deux dernières décennies.
Dans les nouvelles expériences menées par l’équipe de chercheurs du MIT, chaque nanotube, conducteur électrique et thermique, a été recouvert d’un carburant réactif capable de produire de la chaleur en se décomposant. Ce carburant a ensuite été allumé à une extrémité du nanotube, provoquant une onde thermique rapide se déplaçant le long du nanotube. La chaleur du carburant entre dans le nanotube, où elle se déplace des milliers de fois plus vite que dans le carburant lui-même. Cette onde de chaleur pousse également les électrons le long du tube, créant un courant électrique important : le système produit de l’énergie, proportionnellement à son poids, environ 100 fois supérieure à celle d’une batterie lithium-ion de poids équivalent !
Seul bémol : l’efficacité actuelle de ce système reste faible, car une grande partie de l’énergie est dissipée sous forme de chaleur et de lumière. Malgré cela, les chercheurs restent optimistes quant à la possibilité d’ouvrir de nouvelles possibilités d’application.
Thalassothermie, bruit, trottoirs… Jean Jacques Topalian présente quelques méthodes inédites de production d’énergie
Jean-Jacques Topalian rappelle que si les énergies renouvelables telles que l’éolien et le solaire sont désormais bien connues, d’autres moyens moins conventionnels émergent. Voici justement un aperçu de cinq méthodes innovantes et assez méconnues pour produire de l’énergie :
Thalassothermie, ou quand la mer chauffe nos maisons
La thalassothermie exploite l’énergie de l’eau de mer pour alimenter des réseaux de chaleur urbains. Grâce à un fluide « caloporteur », l’eau de mer est utilisée pour chauffer ou refroidir l’eau des habitations. Cette méthode émet 80 % de CO2 en moins que les systèmes classiques, et la ville de Marseille a déjà adopté cette technologie pour son écoquartier Smartseille.
Cloacothermie : les égouts, nouvelle source de chaleur ?
Oui, vous avez bien lu : les eaux usées, avec leur température constante comprise entre 15 et 20°C, peuvent être une source d’énergie. En reprenant le principe de la thalassothermie, ces eaux chaudes redistribuent leur chaleur. La commune de Levallois est déjà sur le coup, avec des économies d’énergie à la clé.
Le bruit pour produire de l’énergie
Le brouhaha incessant de nos villes, source d’agacement pour beaucoup, pourrait bien devenir une mine d’or énergétique. Grâce à des matériaux innovants, les vibrations sonores se transforment en électricité. Le projet Soundscraper envisage même d’éclairer nos villes grâce à cette énergie !
Des trottoirs dynamiques qui produisent de l’énergie… en marchant !
Une start-up toulousaine a eu l’ingénieuse idée de transformer nos pas en énergie. Chaque pas sur ces dalles spéciales produit de l’électricité, stockée puis utilisée pour éclairer nos rues la nuit. Une piste de danse aux Pays-Bas a même adopté ce système pour alimenter ses lumières et son système sonore.
Quid de la feuille bionique ?
De brillants esprits d’Harvard ont conçu une feuille capable de transformer les rayons du soleil en carburant liquide. Une technologie qui, en imitant la photosynthèse, pourrait bien chambouler l’industrie automobile…
Pour Jean-Jacques Topalian, ces pépites technologiques, encore sous-estimées, démontrent le potentiel colossal des énergies renouvelables. Elles nous rappellent aussi que des solutions pour un avenir plus vers sont à portée de main, souvent là où on ne les attend pas !