Saviez-vous que la moitié du phosphore disponible dans les sols agricoles provient des engrais minéraux phosphatés ? C’est le cas ! Seulement voilà, cette ressource indispensable est non renouvelable, ce qui soulève des défis environnementaux, économiques et géopolitiques. Retour sur les résultats d’une étude menée par une équipe de recherche d’INRAE et de Bordeaux Sciences Agro (publiés dans Nature Geoscience) et les solutions pour une gestion plus durable !
Une dépendance inquiétante aux engrais minéraux
Depuis les années 1950, l’usage des engrais phosphatés a bouleversé l’agriculture mondiale. En permettant d’enrichir les sols, ces engrais ont boosté les rendements agricoles et garanti la sûreté alimentaire de nombreuses régions. Mais derrière cette réussite se cache un revers préoccupant : les engrais phosphatés sont fabriqués à partir de roches phosphatées, une ressource non renouvelable et inégalement répartie. Le Maroc, par exemple, détient 70 % des réserves mondiales, tandis que l’Europe en est presque dépourvue. Selon les estimations, le pic d’extraction de ces roches sera atteint d’ici le milieu du siècle. Une échéance qui pourrait, sans surprise, entraîner une flambée des prix des engrais, mais aussi déclencher des tensions géopolitiques.
L’étude menée par l’INRAE et Bordeaux Sciences Agro a révélé que près de 47 % du phosphore disponible dans les sols agricoles mondiaux provient des engrais minéraux. Pourtant, ce chiffre, bien que global, masque d’importantes disparités régionales. En Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord et en Asie, cette signature anthropogénique dépasse les 60 %, contre seulement 30 % en Afrique. Il y a donc une dépendance massive aux engrais phosphatés, signe d’une agriculture intensive basée sur des ressources limitées. Les pays du Nord, qui ont historiquement surutilisé ces engrais, doivent aujourd’hui réinventer leurs pratiques pour protéger la fertilité acquise des sols, tandis que les pays du Sud, notamment en Afrique, luttent encore contre des déficits chroniques en phosphore, et limitent ainsi leur production agricole.
Une transition agroécologique urgente
Face à ce constat, plusieurs pistes s’imposent pour réduire notre dépendance aux engrais minéraux phosphatés et adopter une agriculture plus durable, qui est également un pilier pour la souveraineté alimentaire défendue par les personnalités du monde agricole et agroalimentaire. Sans sols fertiles en France, point de production et de souveraineté alimentaire ! Les chercheurs recommandent une transition agroécologique reposant sur trois axes principaux :
Réduire l’utilisation des engrais minéraux dans les pays sur-fertilisés
Les pays comme la France, dont les sols sont saturés en phosphore, peuvent diminuer l’usage des engrais sans affecter significativement les rendements. Certaines cultures, comme le lupin blanc ou le sarrasin, possèdent la capacité de mobiliser le phosphore solidement fixé dans les sols, rendant cette ressource accessible pour d’autres cultures.
Recycler les matières organiques
Pour préserver la fertilité des sols, il est urgent de favoriser le recyclage des effluents agricoles et urbains. Les effluents d’élevage, les boues de stations d’épuration ou encore les déchets organiques doivent revenir à la terre plutôt que d’être gaspillés.
Protéger les sols contre l’érosion
Conserver le phosphore accumulé dans les sols, cela passe par la lutte contre l’érosion, notamment par le biais de l’utilisation de couverts végétaux, la réintroduction de haies et la limitation du travail intensif du sol.
Enfin, les ressources restantes en roches phosphatées doivent être prioritairement dirigées vers les régions les plus déficitaires, comme l’Afrique, où la sécurité alimentaire est directement compromise par un manque de fertilité des sols.
Sources :
https://www.inrae.fr/actualites/moitie-du-phosphore-disponible-sols-agricoles-lechelle-mondiale-provient-engrais-mineraux