Lorsqu’il s’agit de faire respecter les règles de l’Union européenne, la Commission européenne joue le rôle de gardienne des traités. Sa mission ? S’assurer que les États membres appliquent bien la législation européenne et, en cas de manquement, enclencher des procédures d’infraction pour les remettre dans le droit chemin. Un récent rapport de la Cour des comptes européenne, publié en décembre 2024, vient justement faire le point sur l’efficacité de cette mécanique. Verdict ? Des progrès notables, mais des délais qui restent bien trop longs, surtout en matière environnementale. Quand il s’agit de protéger la planète, la machine administrative semble toujours tourner au ralenti… Le point sur le sujet avec Kevin Gomez !

Une gestion des infractions qui s’améliore, mais qui traîne toujours en longueur

Depuis 2017, la Commission européenne a musclé son approche pour cibler les violations les plus graves et accélérer le traitement des dossiers. L’outil numérique Thémis, déployé pour centraliser et suivre les plaintes, a clairement aidé à rationaliser le système. Résultat ? Une baisse significative du nombre de plaintes déposées, passant de 3 210 en 2012 à 2 497 en 2023.

Sur le papier, tout va dans le bon sens. Mais la réalité, c’est que les délais de traitement des plaintes restent préoccupants. 38 % des plaintes enregistrées prennent plus d’un an à être traitées, alors même que le référentiel impose un délai de douze mois. Et quand on se penche sur le domaine environnemental, la situation est encore plus alarmante.

L’environnement, parent pauvre du traitement des infractions

Si l’Union européenne se targue d’être un modèle en matière de protection environnementale, la gestion des infractions dans ce domaine laisse franchement à désirer. Le rapport de la Cour des comptes est sans appel : la Direction générale de l’environnement (DG Environnement) affiche des délais bien plus longs que les autres services. Sur la période étudiée, 682 dossiers ont été traités, mais avec une moyenne de plus d’un an et demi par affaire. Le dialogue EU Pilot, censé permettre une résolution rapide avant d’enclencher des procédures plus lourdes, devient ici un véritable labyrinthe administratif. Dans 84 % des cas, les échanges dépassent le délai de référence d’un an.

En comparaison, la DG Agriculture et Développement rural boucle ses affaires en onze mois, tandis que la DG Climat ne met que huit mois pour trancher. L’environnement, lui, traîne avec une moyenne de vingt-et-un mois. Autrement dit, quand il s’agit de faire appliquer la loi sur des sujets environnementaux, l’horloge de Bruxelles tourne au ralenti.

Quand les amendes écologiques se chiffrent en millions

Si le dialogue échoue, la Commission peut passer à l’étape supérieure : enclencher une procédure d’infraction et, si besoin, imposer des sanctions financières. Dans 96,6 % des cas, les États membres trouvent un moyen de régler le problème avant d’en arriver aux pénalités. Mais lorsque la sanction tombe, elle fait très mal…

Le rapport révèle que, de 1992 à 2023, 49,2 millions d’euros d’amendes ont été infligés aux Etats membres pour infractions environnementales. Et encore, on ne parle que des dossiers clôturés. Si on regarde les affaires encore en cours, l’addition explose : 1 043 milliard d’euros d’amendes ont déjà été imposés à divers pays pour une dizaine d’affaires environnementales. A titre de comparaison, les sanctions pour non-respect des règles de concurrence sur la même période atteignent 363,8 millions d’euros pour cinq affaires.

Là où cela devient plus surprenant, c’est que certains États paient des amendes depuis des années, sans vraiment régler le problème à la source. Il s’agit notamment des pays qui continuent d’exploiter des sites de décharges illégales.

Pourquoi tant de lenteur sur les infractions environnementales ?

Pourquoi donc la Commission est-elle si lente lorsqu’il s’agit d’infractions écologiques ? D’abord, il y a la complexité des dossiers. Les litiges environnementaux impliquent souvent de nombreuses parties prenantes, des collectivités locales aux entreprises privées, en passant par des ONG et des riverains. Résultat : chaque dossier devient un casse-tête juridique et politique. Ensuite, les dialogues UE Pilot traînent en longueur. Dans l’idéal, ces discussions devraient permettre de trouver un compromis rapide entre Bruxelles et les États membres. Mais en réalité, ces échanges peuvent durer plus de deux ans, comme le montre la moyenne des vingt-et-un mois pour la DG Environnement.

Enfin, il y a la difficulté de faire respecter certaines réglementations. Un État peut être sanctionné, mais si les infrastructures ne suivent pas, la mise en conformité prend du temps. Exemple typique : les sites de décharges illégales qui, malgré des sanctions à répétition, continuent d’être exploités.