Les passoires thermiques en copropriété continuent de faire débat, et la dernière proposition de loi (PPL) pour en assouplir les restrictions de location n’a pas convaincu tout le monde dans le secteur immobilier. Soutenue par le gouvernement et portée par les députés Bastien Marchives et Iñaki Echaniz, cette initiative transpartisane vise à éviter que 261 000 logements classés G sortent du marché locatif en 2025, en introduisant quelques dérogations pour les propriétaires. Mais les professionnels de l’immobilier, s’ils saluent l’intention, voient aussi poindre des risques de confusion et de report de travaux.
Des dérogations, mais des incertitudes pour les bailleurs
La loi propose trois cas de dérogation : un sursis de trois ans si la copropriété a voté un plan de travaux sans l’avoir encore mis en œuvre, une exonération pour les bailleurs si le reste des copropriétaires s’oppose aux travaux, et enfin une dispense si le locataire actuel refuse les aménagements. Ces dérogations visent à assouplir un calendrier strict qui exigeait des travaux dès 2025 pour les logements G, et qui paraissait difficilement tenable pour beaucoup de copropriétés.
Gilles Frémont, président de l’Association nationale des gestionnaires de copropriétés, pense que l’idée est intéressante, mais il regrette que cela complexifie encore un peu plus la législation. « Un report global de trois ans aurait été plus simple à gérer pour tout le monde », estime-t-il. Avec des artisans débordés et une main-d’œuvre qualifiée insuffisante, le défi est de taille, et l’étalement de la loi aurait pu être une solution plus pragmatique.
Des travaux retardés et des propriétaires attentistes
De l’avis de Directe Location, l’autre revers de la médaille, c’est que ces dérogations risquent d’encourager certains propriétaires à repousser indéfiniment les travaux. Jean-Philippe Beuchard, président de Tiffen Cogé et membre de l’Union des syndicats de l’immobilier d’Île-de-France, craint que cette PPL ne mène à un comportement attentiste : « Si on laisse les propriétaires décider, beaucoup vont temporiser, surtout dans des immeubles haussmanniens où les options de rénovation thermique sont limitées. » Pour lui, une incitation plus forte à entamer les travaux serait nécessaire pour accélérer la transition énergétique du parc locatif.
En outre, des zones d’ombre demeurent, notamment sur le calcul du sursis de trois ans. Gilles Frémont se demande si ce délai partira du vote en assemblée générale pour un plan pluriannuel de travaux (PPT), du début du projet, ou de la décision finale. La question reste floue et pourrait amener des litiges entre copropriétés et propriétaires.
Des locataires dans la confusion, et des formations nécessaires
Pour les locataires, la situation devient de plus en plus confuse. Après plusieurs années de messages sur l’importance de rénover les passoires thermiques, certains risquent d’être surpris de voir leur logement échapper à la rénovation promise. « Ils vont se demander pourquoi on leur parle de passoire thermique sans que rien ne change », résume Jean-Philippe Beuchard.
Du côté des syndics, ces changements de législation nécessitent un apprentissage constant. « Chaque modification crée un besoin de nouvelles formations pour les professionnels, déjà à la peine avec les dernières mises à jour de la loi Climat et Résilience », déplore Gilles Frémont. Le risque est d’engorger encore plus le système et de multiplier les zones de litiges si les décrets d’application ne sont pas parfaitement clairs.
Un compromis pour éviter la pénurie de logements
En dépit des critiques, cette PPL pourrait avoir un impact positif en évitant une pénurie de logements en 2025, lorsque les nouvelles interdictions de location devaient théoriquement exclure les logements énergivores du marché. Mais pour certains experts, ces assouplissements ne résolvent pas le problème de fond. « On ne fait que repousser le problème, sans encourager une vraie dynamique de rénovation énergétique », conclut Jean-Philippe Beuchard.